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22 décembre 2021

Fars et Satrapes 9 / Shiraz

Le doux visage de Shiraz

 

« C’est la plus iranienne des villes »

« Les Shirazi sont fainéants »

« Le pays manifeste et Shiraz regarde »

 

C’est emplis de ces a priori livrés par des Iraniens rencontrés à Téhéran que nous débarquons à Shiraz un soir d’hiver. Dès notre arrivée à l’aéroport, les idées reçues semblent se confirmer. Nous ne trouvons pas le chauffeur que l’hôtel devait envoyer. Coup de fil passé ; vous êtes qui ? Attendez, on vous rappelle ; il est bien là…. Finalement, un jeune homme vient à notre rencontre et nous explique la situation. 

L’hôtel l’a prévenu 15 minutes avant notre arrivée et lui a fourni nos photos de passeport. Il pensait que cela suffirait à nous retrouver et n’avait pas pris la peine de prendre une pancarte. Interrogé sur le trajet sur l’impression des Téhéranais à l’encontre des Shirazi qu’il vient involontairement de confirmer, il inverse la perspective : « Les Téhéranais ne pensent qu’à faire de l’argent et ne savent pas profiter de l’instant présent ». 

Deux salles, deux ambiances !

Essi (Esmaël) est très sympa, parle très bien anglais et nous propose, sans la moindre insistance, ses services pour les jours à venir. Nous ferons appel à lui pour aller à Persépolis.

L’arrivée à l’hôtel confirme l’atmosphère : accueil particulièrement chaleureux, mais sans stress aucun. Les bagages feront le chemin sur mon dos. La propriétaire ne porte pas de voile à l’intérieur de son hôtel. Et le soir, nous aurons un verre de leur vin maison à table. C’est déroutant au pays des Mollahs.

Avec des palmiers dans la ville et cette atmosphère très différente de la rigoureuse Téhéran, on a un peu l’impression de débarquer en Jamaïque : « Shiraz, la Kingston iranienne » à nos yeux.

 

Petit tour le soir autour du très joli bazar construit par Karim Khan Zand au XVIIIe. Grand tour dans le même bazar le lendemain, suivi de la visite du hammam Vakil (le Régent, Karim Khan Zand n’a jamais voulu prendre le titre de Shah) rénové avec ses traditionnelles statues de cires et de la Mosquée Vakil. C’est l’heure de la prière et seule une salle latérale accueille quelques orants. La salle principale est entièrement vide et s’offre à nos regards, toutes ses colonnes dénudées et fières en même temps.

Dans le hammam rénovéGrévin shirazi

La cour de la mosquée Vakil

De tissu et de pierreAérien

On enchaîne avec la citadelle de Karin Khan Zand et on ponctue tout cela par un repas traditionnel shirazi et du thé à la cannelle. 

La tour penche, mais tient encore. Comme l'Iran...

Vers 16h, nous rejoignons le coeur palpitant de la ville : le tombeau de Hafez. Ce poète majeur du XIVe siècle, célébré par Victor Hugo comme « Le poète du coeur » est un monument en Iran. Mais à Shiraz, il a encore une autre dimension : il fait partie de la vie quotidienne des Shirazi, six siècles après sa mort, lui qui a clamé sans cesse son amour pour cette ville, la plus belle au monde à ses yeux :

« Qui oserait parler de l’Egypte et du sucre en oubliant les doux visages de Shirâz ? »

Le mausolée érigé pour lui comprend une tombe en marbre, posée par Karim Khan Zand (l’incontournable !) sur laquelle est gravée une strophe de sa poésie et une coiffe ajoutée en 1936 par l’archéologue français André Godard. Le tout est placé en haut d’un jardin où les bassins le disputent en grâce aux orangers et aux cyprès. Au-delà de la poésie de l’auteur, c’est l’Orient qui est sublimé en ce lieu.

Sous tous les angles, il est charmant

Le comportement des Shirazi couronne cette synthèse qu’un tableau de Jérôme aurait pu croquer pour le plus grand plaisir des Orientalistes du XIXe siècle : ils approchent le tombeau avec respect, presque délicatesse. Certains posent la main dessus, avant d’ouvrir au hasard le Divan, pour y lire leur avenir dans une promesse de divination qui est devenue une habitude de vie et qui trouve tout son sens en ce jour si particulier où nous sommes là.

 

Les footeux aiment HafezLes amoureux aiment HafezLes Français aussi

Les enfants aiment aussi Hafez...

Car nous sommes le 21 décembre, jour du solstice d’hiver et nuit la plus longue de l’année. Les Iraniens célèbrent alors le début du retour de la lumière dans ce qu’ils nomment Shab-e-Yalda, la Nuit de Yalda. On y mange des fruits au coeur rouge, on y boit du vin discrètement et surtout, on récite toute la nuit durant des poèmes de Hafez. Et ainsi naît un futur printemps, dans le verbe et dans les coeurs.

Faal-e-Hafez, la divinationClair obscur de poésieLa poésie éclaire l'architecture

Notre Shab-e-Yalda se déroule à l’hôtel, qui avait organisé sa propre soirée. Licence oblige, il y a plus de vin que de vers, mais l’atmosphère est chaleureuse et agrémentée par un accordéoniste iranien qui parvient à enchaîner avec talent les musiques françaises et russes. Car nous côtoyons le DG d’un Tour opérateur russe venu en reconnaissance de voyages. 

 La table de Yalda de l'hôtelRouge sur rouge, rien ne bouge

Nous apprécions autant sa compagnie que la musique de l’accordéoniste. Hafez fait vraiment des miracles.

 

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