Des horizons libres
On quitte Goris, non sans avoir chaleureusement remercié Mira et on embarque dans une grosse berline Nissan, confortable mais conduite cette fois-ci par un Arménien mutique. Trois mots exactement en 5 heures de voyage, dont un grognement quand il fait passer son véhicule sur une mauvaise route. L’avantage, c’est qu’on ne s’est pas pris le bec avec lui…
On traverse les hauts plateaux de l’Arménie centrale, de part et d’autre du col de Sélim et de son caravansérail, presque intact sept siècle après sa construction comme gîte d’étape sur la route de la soie.
Le contraste est saisissant entre les fonds de vallée qui sont d’un vert intense et les parties supérieures des collines, jaune paille cuit. Il faut dire qu’à 2400m, le thermomètre de la Nissan reste bloqué à 32°C! De ci, de là, un rapace nous regarde passer. On se croirait vraiment sur les steppes mongoles, telles que nous nous les représentons : le regard porte loin, il roule sur les ballots de paille de montagne et décolle sur les versants volcaniques des sommets les plus hauts.
Et puis c’est la douce et courte descente vers les berges verdoyantes du lac Sevan, presque une mer intérieure pour les Arméniens. Des eaux limpides, des baigneurs venus profiter de la douceur en Lada, des bungalows de récupération, après la montagne post-soviétique, voici le balnéaire post-soviétique.
Un monastère qui surplombe le lac, à Hayravank, nous replonge dans l’Arménie chrétienne et nous amène à nous interroger : est-ce vraiment crédible de se retirer du monde pour prier Dieu… les pieds dans l’eau?
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Le cimetière de Noradouz semble promettre un repos éternel ouvragé et populeux, les Khatchkars se succédant les uns aux autres dans un entrelacs de pierres tombales fièrement dressées.
On débarque enfin dans notre Guesthouse, à Tsaghkunk (essayez de le prononcer pour voir), à l’écart de l’agitation trépidante de Sevan (la bourgade de bord de lac, semi-déserte). C’est la surprise du chef, le Marc Veyrat local qui a grandit ici, cuisine les plantes du coin à la mode de sa grand-mère et nous offre des saveurs arméniennes revisitées : une tomate farcies aux herbes locales et un agneau rôti aux aubergine qui sont excellents. Il faut cependant un palais plus résistant que le nôtre pour goûter le second agneau, bouilli au persil et épices. Surtout, nous avons dû faire face à deux problèmes : les plats étaient gargantuesques et nous ne le savions pas ; en musique de fond passait un CD de flûte de pan qui reprenait certains hits de la chanson mondiale, de Céline Dion à Scorpions. Là, c’est surhumain. Je décide de combattre la mal par le mal et tente un verre de vin arménien. Comme j’avais une référence basse en termes de qualité (la dégustation à Boukhara), je supporte.