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24 mars 2008

De couleurs et de poussière

Une semaine au Rajasthan


 

       

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Telle est l’Inde que nous venons de visiter, ou plutôt, telle est l’impression que nous en gardons.

 

Tant de roses, d’oranges, de fuschias dans les saris des Indiennes ; tant de bleus, de rouges ou d’ocres sur les murs de leurs habitations. Cette explosion de couleurs – inhabituelle à nos yeux – est sans doute la marque la plus forte de ce pays.

 

  

Mais elle est souvent troublée, estompée ou voilée par la poussière des rues, par la pollution des gaz d’échappements. Certaines ruelles d’Udaipur deviennent irrespirables sous l’assaut des rickshaws fumants et pétaradants. Les pieds nus crasseux des enfants témoignent partout de ce contact direct avec la terre…

 

 

Etape préliminaire : de Sharjah à Jaipur

 

Ayant choisi Air Arabia pour ses prix modestes, nous devons décoller de Sharjah, « un des plus beaux aéroports du monde » selon son site Internet ! Après près de trois heures de route, sous le guidage précis de « Géraldine », nous atteignons l’aéroport et y laissons notre véhicule auprès du représentant Avis : charge à lui d’effectuer le transfert vers l’aéroport retour, celui d’Abou Dhabi. L’entrée dans l’aéroport est un choc. L’émotion n’est pas tant liée à l’architecture, très banale, qu’à la présence quasi-exclusive d’Indiens autour de nous. A part un jeune couple d’occidentaux – que nous reverrons le lendemain déambuler dans les rues de Jaipur –, nous sommes les seuls visages pâles ! Plongée immédiate dans le sous-continent indien…

 


Etape première : Jaipur

 

L’avion n’est pas encore arrêté que les passagers se jettent dans le couloir, espérant peut-être ainsi accélérer l’arrivée de la passerelle ! Il faut dire qu’ils sont sans doute nombreux à attendre ce retour au pays depuis longtemps, eux qui passent parfois plusieurs années dans les pays du Golfe à trimer pour nourrir leurs familles restées en Inde.

 A la descente de l’avion, il est 04 heures du matin locales ! La température est douce, et l’air est sec. Nous embarquons dans un bus qui nous transporte sur 40 mètres à peine : c’est le premier contact avec l’organisation indienne, qui va nous réserver bien des surprises… Le passage à la douane en est un autre exemple : les Indiens sont très bien rangés dans une file indienne (!), mais tellement collés les uns contre les autres que cela en devient gênant pour moi ! Quelques formalités plus tard, nous débouchons à l’extérieur de l’aéroport ou j’aperçois un homme d’une petite trentaine d’année, brandissant un panneau sur lequel est marqué : « Mr Laurent ». C’est notre conducteur, Satysh, qui s’avérera peu loquace, du fait de l’indigence de son anglais. Il est habillé « chauffeur », chemise bleue repassée, plaquette patronymique ; on se sent pris en charge. Il nous conduit au véhicule qui va nous transporter toute la semaine, un 4x4 Chevrolet Tavera qui n’est plus tout neuf, mais qui est nettement plus confortable que l’Ambassador, le véhicule emblématique de l’Inde. C’était un des impératifs du voyage : un confort suffisant pour que nos filles en profitent ; elles auront le temps ultérieurement de goûter au style pur routard !

 

Nous découvrons Jaipur de nuit, vide ou presque, en recherchant notre hôtel, le Sneh Deep Guest House. Je prends vite conscience que notre chauffeur connaît mal la ville, et bien sûr, ne sait pas lire le plan du Routard que je lui présente. C’est donc une longue heure de recherche, de nombreux arrêts pour demander notre chemin à des habitants qui ne connaissent pas le nom des artères dans lesquelles ils ont assis à bavarder, pour finalement tomber sur la Guest House, à 100m de la première rue que nous avions empruntée ! Notre hôte nous attend, charmant et prévenant, mais la fatigue physique du voyage et la tension nerveuse étant, nous déclinons son invitation à boire un thé pour rejoindre au plus tôt notre – rustique, mais propre – chambre du dernier étage.

 

Une courte nuit de 6 heures du matin à 11heures, une première douche au seau, une pomme offerte par le propriétaire cultivé et intéressant, et c’est le départ réel de notre voyage à la découverte de l’Inde.

 

Notre étape de Jaipur est très courte, juste le temps de visiter le Palais des vents, DSC_0026grande façade ciselée d’alcôves rouges ornées de blanc, de prendre notre premier repas local dans le meilleur restaurant de la ville et de changer 500 euros en 28500 roupies indiennes. Puis, on prend la route, en direction de Pushkar, mon appareil sur les genoux, prêt à crépiter chaque fois que je croise un sari. Cela constituera ma « partie gauche de l’Inde », le conducteur étant à droite…

 

 

Etape seconde : Pushkar

 

 Nous arrivons à la tombée de la nuit dans une région de petites montagnes  et la route qui serpente sur les derniers kilomètres nous livre finalement l’accès de Pushkar, ville sacrée de l’hindouisme, lovée autour d’un petit lac dans lequel se serait baigné Brahmâ.  Mais la ville est aujourd’hui plus habitée par des babas cool qui n’ont pas décroché depuis Woodstock, et qui pensent avoir trouvé leur paradis sur terre, que par des pèlerins venus honorer leur dieu.  C’est d’ailleurs un jeune couple « peace and love » et mixte, elle est anglaise et il est indien, qui tient le Chacha’s Garden, notre Guest House locale,  à l’atmosphère hippie marquée et aux tarifs défiants toute concurrence : 1,80 euros par nuit et par personne… 

IMAGE441Leur accueil est très sympa, et on discute un peu des belles contrées indiennes avec un autre couple,  français, qui vient de passer six mois en Inde, et qui se rabat sur les pétards pour tenter de repousser l’inéluctable échéance de leur retour vers Lyon, à la fin de la semaine…

 

Un petit tour en ville, pour le plaisir de la balade, et on rentre se coucher dans nos deux chambres … qui ne feront plus qu’une vers troisheures du matin quand les filles, assaillies par les moustiques, geignent à qui mieux mieux pour nous rejoindre dans notre lit ! Devant les yeux presque larmoyants de leur mère, je cède, et me prépare à passer une mauvaise nuit à quatre dans un lit pour deux… Je les ai voulues, je les assume !

 

Au petit matin, seule Salomé a le courage de m’accompagner au bord du lac pour assister aux ablutions des Indiens au pied des Ghats, ces esplanades faites de marches qui plongent dans l’eau. La ville est presque vide, les habitants balaient les saletés et la poussière avec des brindilles de paille qu’ils ont eux-mêmes liées entre elles. La rue est presque propre, en tout cas toujours plus que les eaux du lac dans lesquelles les habitants font leurs ablutions ! Mais leur cérémonial, banal à leurs yeux, est majestueux aux nôtres. Les femmes utilisent des pots pour s’asperger d’eau, tandis que certains hommes se risquent à quelques brasses dans une eau fraîche.  Un Ghat plus loin, je tombe sur des femmes qui secouent leurs saris au vent, sans doute pour les faire sécher ; la lumière est belle, douce, le contraste entre les couleurs des saris et le sombre de l’eau extraordinaire : une de nos plus belles photos d’Inde.IMAGE560

 

 

Etape troisième : Udaipur

 

Le trajet depuis Pushkar dure près de sept heures. Mais la route est assez bonne et on alterne dans la voiture les périodes de somnolence avec les parties endiablées de 7 familles version  « héros de Disney » : incontestablement un hit auprès de Morgane et Salomé ! C’est aussi l’occasion d’initier Salomé aux grands succès de la chanson française tels que « Il y avait des crocodiles et des orangs-outangs… ».

Puis, c’est l’arrivée à Udaipur, dont l’image de ville romantique au bord d’un lac nous avait attiré. En fait de romantisme, on commence par errer sur les grandes avenues de la ville nouvelle emplies de voiture et de motos à longues banquettes ou autres scooters sur lesquels les Indiens semblent vouloir battre des records de concentration… IMAGE346 On débouche finalement sur le lac Fateh Sagar, qui orne le Nord de la ville, sur la rive duquel se trouve notre hôtel, le Ram Pratap Palace. Belle demeure aux parfums du passé, elle nous offre un confort qui tombe à point après deux longues journées de voyage.  Mais comme c’est l’anniversaire de Sandrine, on s’échappe pour le Jag Niwas Palace, dont les balcons s’ouvrent sur le Pichola lake et son merveilleux Lake Palace Hotel : le dîner est excellent et la vue romantique à souhait ; des musiciens interprètent des airs du Rajasthan à quelques mètres de nous seulement ; Salomé virevolte au son de leurs notes de musique et la soirée est des plus douces ; nous sommes comblés.IMAGE608

 

La journée du lendemain est consacrée à la découverte de la ville, dont nous arpentons les ruelles quelque peu escarpées, à la recherche du meilleur vendeur de miniatures ou admirant les sculptures complexes des temples hindous dont les volutes de pierre s’étirent vers le ciel. Après avoir parcouru le City Palace, nous rentrons à l’hôtel pour permettre à Morgane de se reposer des douleurs que lui occasionnent ses intestins : elle est la première victime des épices indiennes, alors qu’il lui reste encore devant elle 5 jours de biryanis et autres currys.  En fin d’après-midi, nos précieuses miniatures en poche, nous décidons d’effectuer une excursion vers la seconde grande île du lac Pichola, nommée Jag Mandir, et qui abrite un restaurant aux fenêtres de pierre sur lesquelles flottent des voiles blancs.  

IMAGE632On y flâne plus d’une heure, attentifs aux préparatifs d’une fête qui sera donnée le soir même en présence du Maharajah, nos visages caressés par le vent du lac.  Puis on rentre de nouveau à l’hôtel, pour dîner sur la pelouse qui donne sur le lac Fateh Sagar : au menu, cuisine indienne et frites pour les filles… La soirée se finit dans la cour intérieure d’un très beau haveli, à admirer les danses rajputes et les talents d’un marionnettiste local.

 

Au second matin de notre présence à Udaipur, je quitte tôt l’hôtel en compagnie de Morgane, finalement frustrée de ne pas avoir assisté à la cérémonie des ablutions à Pushkar. Nous nous asseyons en haut des marches du Gangaur Ghat, et pendant qu’elle prend de belles photos des femmes lavant leur linge dans les eaux – sales – du lac, je devise sur la différence des cultures et sur la nécessité de ne pas juger les autres, tentant d’instiller en ma fille le fluide de la tolérance. J’ai toute l’attention de Morgane : nous apprécions tous deux ces moments d’échanges sur le monde, sur la vie, le lac nous offrant cette fois-ci un cadre exceptionnellement propice aux épanchements.

 

 

Etape quatrième : Chittorgarh

 

Nous quittons la ville des lacs pour rejoindre une immense citadelle perchée sur une longue colline, à environ 130 kilomètres dans le Nord Est d’Udaipur.  La découverte est totale. Alors que nous avions imaginé arpenter quelques ruines de plus nous nous retrouvons plongés dans l’Inde de Rudyard Kipling. En effet, aux palais monumentaux qui gardent l’entrée du site de Chittorgar succèdent la tour de la Victoire et surtout les temples attenants : ils sont occupés par de grandes quantités de singes longues-queues, très sociables, surtout lorsqu’on leur propose de venir manger quelques graines dans la main. 

IMAGE274Morgane est aux anges et Sandrine et moi nous retrouvons dans l’atmosphère du Le livre de la jungle, nous attendant à chaque seconde à voir surgir King Louie, une banane à la main et le swing dans la peau !Inde__458_

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

Etape cinquième : Castle Bijaipur

 


Chittorgarh n’est qu’un point de passage ; nous avons décidé de reprendre la route le même jour pour rejoindre la halte la plus attendue de notre voyage : un véritable palais de Maharajah, restauré et transformé en hôtel. Je comptais faire la surprise aux filles, mais Sandrine plus à même de comprendre la psychologie féminine que moi me conseille de leur révéler au plus tôt le lieu de notre prochaine étape, afin que Morgane et Salomé profitent des plaisirs liés à leur imagination fertile, habitée d’une multitude de princesses richement parées, vite transformées en maharanis indiennes…  Elle a vu juste : les filles sont des plus impatientes à l’approche de ce palais perdu au fond de la campagne du Rajasthan. Sa silhouette apparaît enfin. Mais devant les ravages que le temps lui a fait subir, je crains un instant que leur attente ne se transforme en désillusion. Une fois de plus, je suis à côté : leur enthousiasme – et surtout celui de Morgane – efface les traces du temps. Mes filles sont réellement deux jeunes princesses rajputes, éblouies par les splendeurs de leur palais. En découvrant la très belle chambre réservée, qui s’avère être l’une des suites royales de l’hôtel, je vois dans le regard de Sandrine la même flamme que dans celui de nos filles ; là, j’ai marqué des points !

 

La suite est composée de deux pièces principales, chacune agrémentée d’une belle alcôve, et d’une salle de bain attenante, où le sol  et les murs sont les seules parois de la douche : cet espace qui paraîtrait dépouillé à certains est notre luxe. DSC_0292

 

La soirée à l’hôtel donne lieu à une représentation de danse et de musique du Rajasthan. Je suis particulièrement épaté par l’un des artistes, qui donne la mesure à l’aide d’une paire de castagnettes locales, avec une énergie passionnée qui entraîne une partie de l’assemblée dans des danses improvisées auxquelles se joignent bientôt les serveurs indiens. J’assiste alors à un spectacle étonnant : un mélange entre des touristes venues effectuer un stage de yoga dans le beau cadre du château, et des locaux en tenue de service qui se roulent dans la poussière, remuant frénétiquement leurs corps au rythme de mon claquettiste ! Excellent souvenir.

 

 

Etape sixième : Bundi

  

Nous découvrons à l’occasion de ce transfert entre le palais des Maharajah de Bijaipur et la paisible ville de Bundi que le gouvernement indien a sans doute décidé de refaire toutes les routes de la région en même temps ! En effet, notre parcours alterne sans cesse entre piste poussiéreuse et portion de route nouvelle, augmentant quelque peu la distance prévue, mais considérablement le temps ! En prime, à l’arrivée, nous constatons que Satysh maîtrise aussi peu la topographie de Bundi que celle des villes précédentes. Nous mettons donc de nouveau quarante cinq minutes à trouver le haveli qui doit nous servir de toit. Enfin, nous craignons que la transition ne soit trop dure, après ce passage inoubliable dans l’antre des Maharajahs.  Mais une fois de plus, l’aide précieuse du Routard nous permet de taper juste : notre Guest House, peu onéreuse, est très propre, la chambre est vaste, et l’eau chaude bien présente ; le retour à la réalité se fait en douceur… Je profite en outre de la gentillesse de la famille, et de la présence d’un ordinateur dans leur  chambre - salon  pour sauvegarder  quelques unes de nos précieuses photos sur DVD.  Au préalable, nous partons découvrir le palais du maharajah de Bundi accroché à la montagne et dominant de toute sa hauteur la ville aux murs bleus, mais dont la splendeur appartient pour une grande part au passé, tant certaines pièces ont subi les affres du temps. IMAGE183 Pour autant, on y découvre un jardin, presque suspendu dans la montagne, et les points de vue sur Bundi sont variés  et aériens. Le guide, cousin de notre taulier, s’adapte bien au rythme la famille, attendant patiemment que Morgane ait fini de s’extasier sur la présence, 100m plus bas, de quelques singes, ou que Salomé débouche d’une série de marches presque aussi hautes qu’elles. Nos deux filles jouent dans le jardin tandis que nous admirons une très belle peinture représentant Krishna qui, du haut d’un arbre, s’amuse de ses concubines dont il a subtilisé les habits…

 

Le retour à l’hôtel est bref, puisque nous repartons vers 17h00 à l’assaut du fort  de Bundi, situé lui-même plusieurs centaines de mètres au-dessus du palais. Sur les conseils de notre « famille d’accueil », nous l’abordons par l’arrière, avec la délicieuse sensation d’enfreindre une – petite – règle. En fait, pendant nos déambulations au cœur de cette grande forteresse, nous tombons sur un gardien qui nous annonce qu’il fermera sous peu la porte d’accès Nord, celle que nous avons empruntée, et que nous ferions bien de nous dépêcher : notre forfaiture involontaire n’en était pas une ! Nous découvrons dans le fort de très grandes citernes d’eau creusées qui servaient à l’alimentation des bassins admirés peu avant dans le palais. Puis je m’échappe quelques minutes avec Morgane pour tenter d’accéder aux étages les plus hauts des bâtiments partiellement détruits du fort.  Quelques couloirs et un peu d’escalade plus loin, nous débouchons tous deux sur une plateforme qui domine l’ensemble de la vallée : là encore une vue superbe s’offre à nous.  Enfin nous rebroussons chemin et rejoignons la ville à la tombée de la nuit, ce qui me permet de faire un joli cliché à offrir à la famille de l’hôtel.IMAGE196

 

Le lendemain matin, avant de quitter la ville, nous allons visiter les Baori, ces immenses puits creusés au cœur de la ville, et dont les sculptures ornementales en forme d’éléphants servaient de mesure.  Aujourd’hui malheureusement, les pluies de la mousson ne suffisent plus à remplir  ces réservoirs de pierre qui restent comme des trous béants tâchetés de fientes de pigeons. On se surprend parfois à regretter les temps passés… Un petit tour sur le marché, un autre en rickshaw pour faire plaisir aux filles, puis nous quittons Bundi la paisible.

 


 

Etape septième : Ranthambore

 

Nous avons failli ne pas venir ici. Le site n’était indiqué que dans le Lonely planet, pas dans le Routard, et la ville de Bharatpur, plus au Nord proposait également une réserve animalière. Il faut croire que notre bonne étoile nous a accompagné jusqu’à Ranthambore, qui restera un des grands frissons du voyage. Il est vrai que j’ai commencé à frissonner en découvrant l’hôtel. Décrit comme moderne et clair par le guide, nous tombons sur le plus mauvais rapport qualité prix de notre séjour indien : la chambre est étroite, sombre et glauque au possible, les toilettes fonctionnent mal, ce qui est toujours mieux que l’eau chaude, absente. Le patron tente absolument de nous caser dans un de ses camions pour la visite du parc animalier, arguant que la hauteur de ses sièges est favorable à l’observation, tandis qu’on ne voit pas grand-chose dans les jeeps ! Enfin, au départ matinal, nous avons droit à un petit thé et quelques toasts, facturés à prix d’or, de même qu’un extra bed pour Salomé, alors qu’elle a dormi avec nous ! Il faut croire que le propriétaire se satisfait pleinement d’être colocalisé avec le bureau qui vend les tickets pour la visite du parc, argument qui nous a d’ailleurs fait choisir cet hôtel… J’ai ainsi pu avoir le plaisir de me lever à 04h00 du matin, pour aller faire la queue, à quelques mètres de ma chambre, dans l’espoir de notre précieux sésame : la place dans une jeep. IMAGE572Celles-ci sont limitées par les gestionnaires du parc, et si l’on n’a pas pris la peine de réserver son siège par Internet, il ne reste que deux jeeps, soit douze places, vendues quasiment à la criée vers 05h00 du matin. Mon réveil matinal semblait payer à ce jeu jusqu’à ce qu’un intermédiaire de je ne sais quel hôtel crie plus fort que d’autres, faisant pencher le préposé à la distribution en sa faveur. Il se retrouve devant le choix cornélien de me donner les places, étant arrivé en premier, ou de céder à l’autre démon. Il tranchera en faveur des deux, ajoutant une jeep, non sans m’avoir demandé de faire venir ma famille pour vérifier sa présence ! Cette séance éprouvante restera comme le deuxième frisson de Ranthambore. Heureusement pour nous, il en restait un à venir, le plus fort.  Deux heures plus tard, en effet, nous évoluons dans la réserve, confortablement assis dans notre jeep, les yeux à l’affût des animaux qui vaquent à leurs occupations. Nous passons de nombreux faons, admirons les singes et sommes survolés par plusieurs paons majestueux. Mais après une heure et demie de 4x4, nous approchons du bout de la zone que notre guide a choisie,  une idée fixe en tête. Car cela fait plusieurs mois que lui-même n’a pas aperçu l’objet de son désir : une tigresse et ses deux tigrons de six mois.  Soudain, il claque un ordre au conducteur qui stoppe aussitôt sous un arbre, à quelques mètres du lit d’une rivière asséchée. Au-delà se tient la mère accompagnée d’un tigron. IMAGE588D’abord béat d’admiration, je me ressaisis vite et fait crépiter mon appareil. Je crois rêver : 20 ou 30 mètres à peine nous séparent de ce noble animal, à la démarche chaloupée et à la fourrure si élégante.  D’abord assise, elle se relève puis balance son corps musclé vers nous… et se rassoit ! Elle ne semble ni troublée, ni inquiète par ces êtres étranges dont l’œil est prolongé par une boîte noire qui fait clic clac ! Puis apparaît le second tigron,  venu feuler face à nous, comme pour protéger sa mère…  IMAGE589Nous passons près de trente minutes à admirer ces félins, dans leur environnement naturel : trente minutes d’émotion intense, de pur plaisir, de sérénité face à ce magnifique représentant de la race animale. Je constate d’ailleurs, au nombre très élevé des photos qu’il prend,  que le plaisir est plus que partagé par notre guide, pas blasé pour un sou ! Il faut croire que nous avons été très chanceux…

 

 

 

 

 

 

Etape huitième


Nous avons prévu de rejoindre Fathepur Sikri, à une heure de route dans le Sud d’Agra. Mais Salomé se met à vomir dans la voiture à plusieurs reprises, et nous décidons finalement d’abandonner la visite de Fathepur, afin de pouvoir bénéficier des services d’un médecin à Agra, si cela s’avérait nécessaire. Quoique malade, Salomé tient le coup tout le trajet, un petit sourire plissant ses lèvres de temps en temps.  Nos filles auront fait preuve de beaucoup de patience et d’endurance dans ce périple de sept jours et  de près de 2000 kilomètres sur de mauvaises routes. Cela nous donne envie d’aller un peu plus loin dans nos voyages avec elles.

 

Nous arrivons finalement à Agra en fin de journée après sept heures d’un trajet simplement entrecoupé d’une pause déjeuner. Salomé somnole à l’arrière de la voiture, Sandrine est fatiguée et inquiète, ce qui m’amène à changer mon fusil d’épaule en matière de catégorie hôtelière ! Nous optons pour l’Hôtel Athithi, plus éloigné du Taj Mahal – notre Graal si proche – que mon choix initial,  mais plus confortable… Une courte visite au restaurant en sous-sol de l’hôtel, et toute la famille se couche, épuisée par le voyage.

 

Au matin de notre avant-dernier jour en Inde, Salomé se porte mieux, et nous décidons de partir explorer la ville, à l’exception du Taj, fermé le vendredi. Nous découvrons donc le fort rouge, superbe fortification de grès, qui protège plusieurs palais de marbre blanc de son enceinte.IMAGE066 C’est depuis l’une des terrasses de ces palais que Salomé perd sa première dent de lait, juste après avoir aperçu pour la première fois le Taj Mahal, dans la brume. Puis nous rejoignons l’autre rive de la Yamuna, le fleuve qui traverse Agra, pour passer une heure de calme autour du mausolée d’itimad ud-Daulah, surnommé le Baby Taj. Dans ses jardins, je vole une photo d’un superbe couple indien venu effectuer une promenade romantique dans ce havre de paix.IMAGE132

 

Equipé d’un plan succinct de la ville, je guide Satysh, toujours sur la même rive, à la recherche d’un point de vue sur le Taj Mahal depuis le Nord. Après une courte pause photo consacrée aux saris qui sèchent à même le sol, nous tombons sur le site qui aurait dû, selon certains, abriter le jumeau noir du Taj Mahal, mais dont la construction n’a jamais eu lieu. L’initiateur de ce projet, Shah Jahan, est celui-là même qui a fait édifier en 1652 le Taj pour son épouse défunte, Mumtaz Mahal. Le monument est magnifique, malgré une brume persistante et une lumière quelque peu blafarde. Mais le Taj nous cache depuis ce site des trésors que nous ne découvrirons que le lendemain…

 

Lever à 05h10, départ de l’hôtel à 05h40, les bagages chargés, nous arrivons aux guichets du Taj Mahal à 05h55, prêts à fouler les premiers le sol encore vierge de visiteurs du plus célèbre monument d’Inde. Personne dans la famille ne regrettera les quelques précieuses minutes ainsi obtenues pendant lesquelles le Taj semble nous appartenir, dans la douce lueur de l’aube. IMAGE004 Son approche est pour nous tout un cérémonial, fait d’empressement de le découvrir de plus près et d’envie de l’admirer des heures durant…  Au moment où nous arrivons sur la plateforme, le soleil décide de se joindre à nous, parant le monument – jusque là d’un blanc grisé – d’une robe dorée, et faisant briller les éclats de Pietra dura de mille feux.  Du mausolée se dégage à la fois une grande force et une sérénité  sans pareilles.IMAGE039

 

On aurait envie de s’abandonner pendant des heures à sa contemplation, mais notre avion décolle dans cinq heures de Dehli, à 250 kilomètres de là. Note visite a duré une petite heure, mais d’une telle intensité, que nous ne regrettons rien. C’est un des plus beaux bâtiments qu’il m’ait été donné de voir, et je jalouse l’architecte génial qui l’a déposé ici. Et moi qui pensais que toutes les photos que j’avais vues me priveraient de toute émotion …

 

 

 

Etape dernière


Satysh m’avait annoncé quatre heures et demie de route pour rejoindre l’aéroport de Dehli, mais une rapide évaluation de notre vitesse moyenne me fait croire qu’il a encore pris des délais. Tout en fulminant intérieurement, tout à mon regret des précieuses minutes que nous aurions pu passer auprès du joyau de marbre, je capture nos dernières impressions de ma partie gauche de l’Inde… Le paysage varie à l’approche de la capitale, délaissant les vastes étendues de campagne pour un tissu plus resserré, les cheminées des briqueteries pour celles des usines plus modernes. IMAGE385La circulation se densifie également, donnant finalement raison à notre chauffeur qui va nous laisser à l’aéroport  quatre heures et vingt minutes après notre départ d’Agra. J’avais sous-estimé la longueur des tentacules de cette pieuvre quinze fois millionnaire !   Le passage dans cette grande ville nous donne un peu le tournis, tant par les contrastes qu’elle offre en soi entre modernité et pauvreté extrême, que parce notre épopée nous avait tenu loin des agglomérations de ce type pendant toute la semaine. Nous avions prévu, dès le début, de ne pas entrer dans le centre de Dehli afin que les filles ne soient pas choquées par les dures images que l’on peut en garder. La simple vue des bords de route de la périphérie nous conforte dans notre idée qu’elles ont bien le temps d’affronter ces réalités…

 

 

 

Prologue

 

Le vol retour se passe bien, à l’exception des souffrances olfactives que nous imposent les pieds et les estomacs des indiens – que des hommes – qui nous entourent dans l’avion… Le dernier choc qui nous attend est à l’aéroport d’Abou Dhabi. Des couloirs brillants, des sols reluisants, tout est neuf, tout est cher. Nous retrouvons un monde d’une propreté clinique, presque malsaine à trois heures et demie de vol à peine de l’Inde que nous venons de quitter.  Et si ce mirage du Golfe brille tant, c’est parce qu’une armée d’Indiens l’entretient…

 

 

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Commentaires
N
Durant ce voyage, nous avons maîtrisé avec talent l'art de retapisser les toilettes des hôtels. Sincères condoléances aux employés indiens qui ont du se charger de notre chambre.<br /> <br /> Ah la la, que de souvenirs :D
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F
Bien des récits de voyages m'ont ennuyés....mais celui là m'a fait voyagé !<br /> Je suis particulièrement touchée par les émotions partagés en famille qui sont autant de force pour aborder la vie, ou que ce soit...
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S
Bravo Laurent, Superbe description de voyage chargée de moment de vie et d'émotions qui donnent envie d'y aller. Quel talent!
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M
Je trouve ça super ! J'aime beaucoup le style d'écriture, la façon dont c'est présenté et les photos sont superbes !
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