Le pénultième soleil du Bosphore
Dans deux jours, notre route quittera la ligne que trace le Bosphore de part et d'autre d'Asie et d'Europe. Alors nous avons décidé de plonger une dernière fois dans les eaux bleutées de vert que ce ruban de mer nous offre, sous un soleil chaud comme un four à pain.
C'est aussi l'occasion de clore un cycle. Nous faisons une nouvelle obole dentaire au Bosphore, trois ans après celle de Sainte Sophie. Nous passerons notre dernière nuit demain soir au Grand Tarabya, trois ans après ma première visite professionnelle là-bas. Nous dînerons ce soir dans un restaurant ottoman de Sultanahmet, à quelques coudées de celui qui nous avait accueilli quand nous avons tous quatre débarqué du ferry pour embrasser Istanbul, à la fin du mois de juillet 2014.
C'est bien d'embrassade qu'il s'agit. Et d'une interminable liste d'autres sentiments et sensations qui nous ont traversé au contact d'Istanbul. La caresse de son vent frais en été ; le roulis qui donne vie aux vapurs entre Karakoy et Uskudar. La moiteur d'Ortakoy par des journées sans souffle, quand il fallait monter au sixième étage de notre logement, sans ascenseur. La tendresse d'une soirée automnale sur la terrasse du Banyan. Les tensions nées des difficultés sécuritaires ; le renferment progressif des stambouliotes. L'amour débordant des papas pour leurs enfants. La haine sèche et calculée du président pour ceux qui diffèrent de lui.
Nous avons tout ressenti. Nous avons presque tout aimé. Nous avons tant vibré. Nous sommes stambouliotes... en plus du reste.