Patron, une garbure!
Frais alpages
Sheqi se réveille dans la petite morsure du froid caucasien. Par la fenêtre, on aperçoit les locaux couverts de leurs manteaux aller à leurs occupations matinales. Mais ces rigueurs automnales ne durent pas et le soleil resplendissant du Caucase récauffe bien vite le plateau pentu sur lequel Sheqi est étendue. L'environnement, à peine vu la veille du fait de notre arrivée tardive, est superbe. Sous la collerette blanche qui orne les lignes de crête, les forêts se sont parées de teintes chaleureuses, entre le jaune et le rouge qui dressent un écrin parfait à la ville et à ses alentours.
Nous commençons par rejoindre le haut du plateau pour y découvrir l'église de Kish : l'un des vestiges des chrétiens qui ont habité l'Albanie du Caucase (je ne connaissais pas, allez voir wikipédia si vous étiez aussi ignorants que nous). Elle est charmante, bien restaurée et le jardin est parfaitement entretenu par quelques azéries jardinières. Un joli site, clairement hors des sentiers battus, pour débuter la journée.
La soupe sans choux
Nous enchaînons avec le plus grand caravansérail de la ville, marquons un stop dans une boutique qui vend du Halva (très éloigné du helwa golfien, il s'agit d'un gâteau au miel et aux noisettes, plutôt roboratif) et décidons, juste après un achat de Shebeke (pas celle de la photo qui vaut 600 USD!), de déjeuner dans le petit café qui jouxte le palais des émirs visité la veille.
C'est une pièce unique, au milieu de laquelle un poêle crache son feu sous les théières et cafetières locales que le serveur manie sans gants.
Notre nationalité associée aux quelques mots de turc de Sandrine mettent le serveur un peu dans tous ses états et il nous dresse un belle table en deux minutes. Nous avons demandé de l'eau, mais il préfère nous amener un jus de fruit local, dans lequel baignent des plantes. On se demande si cela rentre aussi facilement que les crapauds...
Puis il amène le plat de Sandrine, dans un pot de terre qui a cuit sur le feu. Il est composé de pois chiches et de viande cuite dans le bouillon, bouillon qui a l'air d'avoir sa dose de gras ; bref, on dirait de la garbure! Ici, ils appellent cela du piti : ils sont drôles ces Azéris !
Une fois le plat versé dans l'assiette, une différence de taille apparaît : le chou a été remplacé par une demi-livre de graisse de mouton, en un seul bloc qui flotte au milieu des morceaux de viande, comme un iceberg le soir du départ du Titanic. On se demande comment un mouton peut produire une telle masse de graisse s'il n'a pas 20 ans de fast-food derrière lui! Mais une fois l'iceberg mis de côté, le reste du plat est très bon.
Je soutiens la police locale
Pour permettre à Sandrine de se remettre de ses émotions culinaires, nous embarquons pour 4 heures de route, à flanc de piémont caucasien, pour regagner Bakou. La route est très bonne, offre des perspectives magnifiques sur les montagnes et nous filons à bonne allure pour essayer d'arriver avant la nuit.
Comme les policiers locaux ont l'esprit de contradiction, ils m'arrêtent au motif futile que j'aurais dépassé la vitesse. Billevesées, je suis persuadé que c'est juste pour m'empêcher d'arriver à Bakou en temps voulu. Je réponds quand même sans m'énerver à leurs questions et nous finissons par trouver un accord financier acceptable pour les deux parties : j'évite de me rendre à la banque pour y verser mon obole qu'ils prennent pour eux, tandis qu'ils font disparaître la photo que leur radar de toit a pris de ma voiture parce qu'il la trouvait belle. Et une fois que nous avons fait coutume, l'un deux me demande de bien faire attention sur la suite de mon voyage à ralentir... "surtout quand je verrai une voiture de police sur le bord de la route, pour ne pas me faire attraper une seconde fois"! Corrompu mais charitable, le policer azerbaijanais...
Nous terminons la route avec un soleil rasant mais puissant qui peint les collines vertes de teintes orangées jusqu'à nous laisser dans l'ombre vespérale, à l'entrée de la capitale. Superbe fin de voyage sur la route.